Arrêt du 12 novembre 1987 de la Cour d‘Appel de Bourges

Les gendarmes n‘ont pas les mêmes compétences que les vétérinaires inspecteurs

Attendu qu‘il résulte du procès-verbal d‘enquête préliminaire de la Brigade de Gendarmerie de LEVROUX en date du 13 janvier 1986 que ce jour là  à  15 heures, les gendarmes de cette brigade, alertés par une adhérente de la SPA, se sont rendus dans un pré appartenant à  M. Gilbert HUET et se trouvant à  800 mètres du domicile de celui-ci, qu‘ils ont constaté sur les lieux la présence d‘une génisse à  demi-paralysée, d‘un veau mort et d‘un autre bovin en état de décomposition dans le ruisseau traversant ce pré ; qu‘en procédant à  ces constatations ils ont pris des photos de ces divers animaux et qu‘ils ont ensuite dressé procès-verbal à  M. HUET pour trois infractions : mauvais traitements à  animaux, garde d‘animaux en plein air sans protection et abandon de cadavres d‘animaux ;

Attendu que ces opérations ont été diligentées non pas en un lieu public mais sur une propriété privée ; qu‘il est constant que l‘accord du propriétaire pour pénétrer dans le pré n‘avait été ni obtenu ni même sollicité ; que cet accord préalable est indifférent dans le cas où les fonctionnaires de police ou de gendarmerie agissent dans le cadre d‘une enquête de flagrant délit ; qu‘en l‘occurrence les gendarmes de LEVROUX n‘ont nullement agi en flagrant délit puisqu‘ils se sont rendus sur les lieux pour y constater des faits qui n‘avaient pas le caractère de délits mais qui constituaient des infractions de nature contraventionnelle ; qu‘ils en étaient parfaitement conscients dès lors qu‘à  la fin du procès-verbal de synthèse, qualifié de procès-verbal d‘« enquête préliminaire », ils ont visé uniquement des textes contraventionnels ; qu‘il est donc téméraire d‘affirmer, comme l‘ont fait les premiers Juges, qu‘à  l‘origine les infractions pouvaient être considérées comme des délits qui ont été disqualifiés ensuite par le Parquet ;

Attendu qu‘en l‘espèce, il ne peut donc s‘agir que d‘une enquête préliminaire ; que, s‘agissant d‘une enquête diligentée dans le cadre de la loi du 10 juillet 1976 relative à  la protection des animaux domestiques, il existe une compétence concurrente de la gendarmerie et des vétérinaires inspecteurs pour procéder à  la constatation des infractions en vertu du décret du 20 mai 1903 portant règlement sur l‘organisation et le service de la gendarmerie (art. 201) d‘une part, et des articles 283-1 et 283-2 (devenus L. 214-19 et L. 214-20) du Code Rural, d‘autre part ;

Attendu cependant qu‘il existe en l‘état des textes de loi une différence importante entre les pouvoirs dont disposent ces deux catégories de fonctionnaires en la matière ; qu‘en effet, si l‘article 283-5 (devenu L. 214-23) du Code Rural prévoit que les vétérinaires-inspecteurs et agents techniques assimilés sont habilités à  pénétrer de jour dans tous les lieux où vivent des animaux domestiques à  l‘exclusion des « habitations » privées, aucune mesure d‘habilitation de cet ordre n‘est prévue au bénéfice des fonctionnaires de la gendarmerie ; qu‘il ne saurait être question d‘étendre à  ces derniers par assimilation les pouvoirs spéciaux conférés aux agents des services vétérinaires, s‘agissant de dispositions qui restreignent les droits et libertés individuels et qui doivent donc être interprétées restrictivement ; que, dans cette matière, les gendarmes restent donc soumis à  la règle générale qui leur interdit d‘opérer dans tous les lieux privés en enquête préliminaire sans avoir obtenu l‘accord du propriétaire des lieux, qu‘en enfreignant cette règle les gendarmes de la brigade de LEVROUX ont outrepassé leurs pouvoirs ; qu‘il convient en conséquence de déclarer nul le procès-verbal d‘enquête préliminaire établi par la brigade de gendarmerie de LEVROUX le 13 janvier 1986 ainsi que les actes de poursuite subséquents et de prononcer la relaxe du prévenu sans qu‘il y ait lieu d‘examiner le fond du procès).

Lors de sa prise de fonction, chaque gendarme se voit remettre un « Mémento environnement », qui est destiné à  l‘aider à  appliquer la réglementation dans ce domaine. Le chapitre consacré aux « Animaux domestiques et assimilés » présente la réglementation concernant l‘identification des animaux, leur protection, leur reproduction, la réglementation concernant les maladies contagieuses, l‘équarrissage etc. C‘est un outil précieux qui peut être très utile pour aider le gendarme à  déterminer les infractions qu‘il peut relever, lorsqu‘il contrôle un lieu où se trouvent des animaux domestiques.